
L’écrit est démodé
2 décembre 2024
Relire Soljenitsyne
19 décembre 2024Elle a illuminée son siècle,
et ses écrits viennent éclairer le nôtre.
Ce qui est étonnant avec Hildegarde de Bingen, c’est l’oubli de son nom durant huit cents ans et comme par magie, elle renaît au XXe siècle, comme si cette femme visionnaire et précurseur avait tout réalisé au XIIe siècle afin que les époques futures profitent de sa sagesse.
Seul son monastère conservait ses écrits, ses recherches et continuait l’adoration de cette bénédictine du Moyen Âge. Il a fallu la curiosité d’un médecin autrichien, fervent croyant et pratiquant, pour faire sortir toute cette connaissance de l’église et faire renaître toute sa médecine et sa spiritualité. Tout a été écrit, elle a tout reçu dans des visions, et dans une communication avec la flamme vivante comme elle aime appeler Dieu.

C’est le Docteur Hertzka, médecin autrichien diplômé en 1938, qui fait émerger les travaux d’Hildegarde de Bingen en dehors de l’église au XXe siècle. Arrêté par la Gestapo pour avoir, dans son cabinet médical, remplacé un portrait de Hitler par un crucifix, il est incarcéré pendant neuf mois en camp de concentration.
Durant sa détention, il se promet de faire connaître l’œuvre d’Hildegarde de Bingen s’il ressort vivant. Après la guerre, Gottfried Hertzka s’établit en tant que médecin à Constance où il met en pratique auprès de ses patients les recommandations puisées dans l’œuvre de Sainte Hildegarde, non encore reconnue. C’est à partir des années 60, avec l’aide d’un ami pharmacien, qu’il se lance dans la fabrication des remèdes puisés dans le Physica et le Causae et Curae, livres d’Hildegarde de Bingen.
Dans son livre « Voilà comment Dieu guérit », il rend accessible la médecine de Sainte Hildegarde. Plutôt orienté vers une médecine naturelle, il est le pionnier parmi les scientifiques à consacrer un écrit à la médecine Hildegardienne, médecine holistique qui cherche une harmonie entre corps, âme et esprit.
Sa vie consacrée à la vulgarisation de l’œuvre de l’abbesse, il meurt en 1997, et son proche disciple le Dr Strehlow multiplie les publications pour continuer l’œuvre de son mentor. Toute cette littérature sur la thérapie Hildegardienne insiste sur les bienfaits d’une alimentation saine et naturelle voire thérapeutique, de remèdes naturels, et soutient plus expressément l’importance de nettoyer le corps par le jeûne, de se purifier intérieurement par la musique, la prière et la méditation.
Toutes les recherches et travaux du Docteur Hertzka, assisté par le Docteur Strehlow, ont permis de vulgariser l’aspect santé, phytothérapie, médecine, lithothérapie, spiritualité…
L’œuvre est bien plus étendue que cela.
Hildegarde de Bingen est avant tout une abbesse, bénédictine, visionnaire, musicienne, architecte, européenne, chef d’entreprise, fervente défenseur de la cause des femmes, théologienne, écrivain, médecin du corps et de l’âme… Toute une vie ne suffit pas à étudier ce qu’elle a laissé comme œuvre, alors pour accomplir sa vie, c’est sûr, elle était aidée par le Divin. Sa spiritualité est une respiration constante qui inspire ses écrits, ses révélations ouvrent à l’homme d’aujourd’hui une véritable lecture sur les mystères de la vie.
Sainte, elle est reconnue « Docteur en église » par le pape Benoît XVI en 2012.
« OH HOMME PRENDS CONSCIENCE DE CE QUE TU ES »
Mais qui est dont cette femme, cette sainte du Moyen Âge , à ce point éclairée, éveillée ?
Née en 1098 dans le comté de Rhénane, en Allemagne, elle est la dernière enfant d’une fratrie de dix. Compte tenu de son extrême sensibilité, ses parents décident de la consacrer .
À l’âge de 8 ans, elle est confiée à Jutta Von Spanheim , ermite qui a formé une clôture féminine au monastère bénédictin, muni d’un hospice et d’un jardin de plantes médicinales. Jutta s’attache à cette enfant, lui donne une éducation religieuse, musicale et lui transmet le secret des plantes qu’elle connaît. La jeune enfant se montre vive et passionnée par ce rapport au végétal et à la Création si généreuse pour soigner l’homme. De là ses recherches sur l’alimentation commencent, le tout conforté par ses visions et ses dialogues avec le monde invisible.
Enfant, déjà, elle a ce lien avec Dieu, elle témoigne qu’à 4 ans elle recevait des visions, ses parents comprennent qu’elle est mystique et la confient pour qu’elle soit éduquée spirituellement.
« Dans la troisième année de mon âge, j’ai vu une telle lumière que mon âme en a été ébranlée, mais à cause de mon enfance, je n’ai rien pu en dire »…/… « Dans la huitième année de mon âge, j’ai été offerte à Dieu en offrande spirituelle et jusqu’à ma quinzième année. J’ai vu beaucoup de choses et je le disais parfois en toute simplicité, si bien que ceux qui m’entendaient se demandaient d’où cela venait et ce qu’il en était… »
À 16 ans, elle s’engage comme bénédictine après 8 ans de noviciat.
À 38 ans, elle est nommée abbesse.
À 43 ans, un événement va bouleverser sa vie « Une lumière de feu d’un éclat extraordinaire venant du ciel traversa mon cerveau et mon cœur et voici que tout à coup je comprenais l’ancien et le nouveau testament » …/… « Dis donc ces merveilles et écris-les telles qu’elles sont enseignées et dites ».
Ce n’est pas sans hésitation que pareil message peut être reçu et transmis, elle mettra 10 ans à écrire le SCIVIAS (Connais les voies de Dieu), son premier livre, et non sans épreuves.
Comme tout humain elle est traversée par le doute, et n’hésite pas à s’en remettre à Bernard de Clervaux (fondateur des Trappistes) qu’elle questionne sur ses doutes et qui lui répondra dans un courrier * « Quel avis attendez vous de moi quand vous avez, au fond de votre âme, un maître intérieur qui vous parle sut toutes les choses avec onction../… »
Volmar, un moine, et Richardis, sa secrétaire, l’aident à transcrire la lumière qu’elle reçoit et à la coucher par écrit.
Hildegarde de Bingen voit et annonce le passé, le présent et le futur comme un prophète de l’ancien testament.
Elle écrit une œuvre complète : ses trois livres traduisant ses visions peuvent aujourd’hui guider l’homme dans sa démarche intérieure et sa quête de connaissance.
Dans son livre de visions, « Le livre des œuvres divines », chacun peut s’inspirer de ses visions pour approcher l’harmonie de l’univers en lien avec l’intériorité de l’homme. Je laisserai chaque lecteur se plonger et méditer cette œuvre incommensurable de révélations. Elle dessine l’Homme de Vitruve bien avant Léonard de Vinci pour illustrer la place de l’homme, « la pierre précieuse de Dieu », dans l’univers.
Son œuvre d’écrivain s’est également enrichi d’autres ouvrages, notamment deux livres sur les plantes et les soins (Physica ; Causes et remèdes) laissant une trace de ses révélations des plantes et de l’utilisation médicinale qu’elle voit. D’autres livres mineurs, et un recueil de lettres…
En parallèle elle voyage et prêche en public à divers endroits en Allemagne et en Europe.
Elle vit tout cela dans un Moyen Âge frappé de guerres, d’épidémies, l’église est très malmenée et bousculée par de nombreuses turbulences à cette époque aussi. Elle a une audace incroyable, et n’hésite pas à interpeller, invectiver pour que les messages de La Lumière Vivante se répandent. Elle ne se décline d’aucune responsabilités, en tant que bénédictine elle vit avec la Règle de Saint Benoit chevillée au corps, et prend acte de ses visions et ses dialogues avec Dieu.
Déjà elle défend les femmes.
Déjà elle s’insurge contre la corruption et les inégalités.
Déjà elle se soucie de l’équilibre de la terre, des arbres et des créatures…
Hildegarde de Bingen, une femme douée qui n’a pas peur de donner des leçons aux papes, aux empereurs… En tant que femme, toujours dans une grande humilité, elle n’hésite pas dans certains de ses courriers de s’adresser aux prêtres : « Si j’ai quelque chose à vous dire c’est parce que le siècle est tellement corrompu que Dieu a choisi une femme pour que Dieu puisse entièrement parler et être présent à travers elle ».
Cette femme hors normes pour l’époque intervient dans la politique, dans la culture, dans la médecine, dans l’église…
Hildegarde de Bingen est aussi la plus grande compositrice et musicienne de son temps.
Très jeune elle a été éduquée à la musique et reçoit également des compositions musicales, qu’elle dit entendre dans ses oreilles… Dans toute son œuvre et notamment dans le Physica, elle insiste beaucoup sur l’importance des organes des sens pour entendre, voir, sentir comme une ouverture chez l’homme. Une ouverture pour recevoir la Parole Divine. Elle compose pas moins de soixante dix cantiques. Pour elle, c’est l’art le plus sublime qui permet une connexion avec les sphères célestes. Hildegarde cherche perpétuellement à soigner le corps dans son intégralité, mais également l’âme, et la musique dans son œuvre a ce but de soigner l’âme en la reconnectant avec le Divin.
Elle utilise toute forme d’art pour transmettre ses visions.
Elle les transmet sous forme de peinture, elle peint ce qu’elle voit ce qu’elle perçoit avec l’aide des moniales.
Elle l’explique, elle écrit, mais ses enluminures sont riches de symboles.
Alors bien sûr, il est nécessaire de se remettre dans ce contexte de l’art du Moyen Âge où la perspective n’a pas fait son entrée dans la peinture, tout est peint au premier plan. Donc tout est important.
La peinture d’Hildegarde est colorée, le rouge est souvent en lien avec la lumière vivante qu’elle reçoit, mais ce qui interpelle à la contemplation de ces peintures, ce sont les innombrables détails. Pour autant la clarté du message est toujours exprimée de manière réelle. Il y a comme une observation fine à décoder les premières fois, et puis notre œil s’éduque à ce qu’elle livre, et plus on s’attarde, plus on reçoit ces enluminures riches de sens et de révélations.
Elle est venue avec une mission, la mission de transmettre au monde la parole de Dieu, ce message pour rétablir cette relation entre l’homme et Dieu.
Elle n’a pas failli. Elle se décrit comme « un pauvre vase en argile » que Dieu a fabriqué pour lui-même et qu’Il a pénétré de son Esprit Saint afin d’accomplir par lui ses œuvres.
Avant elle, aucun compositeur, écrivain, architecte, médecin, peintre… n’avait laissé une telle œuvre.
Aujourd’hui, la renaissance de son œuvre vient comme un cadeau oublié, pour nous transmettre un essentiel éternel.
Elle donne à ce monde en questionnement que nous vivons, à ce siècle si évolué extérieurement et si perdu intérieurement des clés de vie pour prendre soin de son corps, son âme, son esprit, sa vie, la terre, la création, les relations…
S’inspirer d'Hildegarde de Bingen dans sa vie quotidienne…
Lettre à Hildegarde
Si chère Hildegarde,
C’est toujours avec un immense respect que j’aborde tes écrits.
Je me sens toute petite, à te parler ainsi et m’adresser à toi.
Je dois bien t’avouer que, depuis longtemps, je suis touchée par ton existence, ta vie, tes prises de position, ton infatigable action sur cette terre.
Malgré toutes les épreuves que tu as traversé au cours de ta vie, tu n’as rien lâché, jusqu’au bout cette fidélité, cet engagement sans faille, cette règle de Saint Benoît… Je suis émerveillée et si impressionnée.
L’héritage de connaissances que tu nous as laissé est immense, te rends-tu compte qu’aujourd’hui, dans ce XXIe siècle, tu une sainte en vogue… Tes messages sur l’alimentation et la santé te valent cette notoriété bien méritée, et pourtant ce n’est qu’une infime partie de ton œuvre. Il est impossible de te lire sans aborder la dimension spirituelle. C’est bien une approche holistique que tu défends, où corps, âme et esprit sont UN.
Chaque temps que je prends pour me pencher dans tes écrits me procure un moment contemplatif.
Dans la vie remplie que nous menons ici, il m’est nécessaire de m’isoler pour m’octroyer ces temps d’étude avec toi, ces temps de lecture. Je les adore.
« L’âme est une énergie fécondante qui communique à l’homme entier son mouvement et sa vie. »
À très très vite de continuer l’étude, à contempler et méditer tes écrits.
Maryline